samedi 29 août 2009

Du cerveau à la pointe du crayon (NOUVELOBS.COM | 28.08.2009 )

Une petite aire du cerveau indispensable à l’écriture a enfin identifiée avec préci

Pour que le langage devienne écriture, le cerveau doit transformer une information abstraite en code moteur.

Grâce aux moyens récents d’exploration cérébrale offerts par l’imagerie et par la neurochirurgie, des chercheurs français ont pu définir les contours d’une petite aire du cerveau indispensable pour coucher sur le papier nos mots et nos phrases. «C’est l’interface indispensable entre un code abstrait –le langage- et un code concret qui va entraîner la contraction de certains muscles» explique Jean-François Démonet, directeur de recherche à l’Inserm (1).

Cette transformation de l’information est au cœur de l’écriture, une compétence inventée par l’Homme au cours de son histoire, contrairement au langage oral. Malgré l’importance de l’écriture, les neurosciences ont moins exploré ce domaine que celui de la lecture, souligne Jean-François Démonet. «Quand j’étais étudiant on nous parlait de "l’aire de l'agraphie d’Exner", un contemporain de Freud qui avait décrit une zone du cerveau spécialisée dans la production de l’écrit, mais les contours de cette zone étaient flous».

Pour identifier plus précisément cette aire impliquée dans la graphie, l’équipe de Démonet, basée au Centre universitaire hospitalier de Toulouse, a travaillé avec le neurochirurgien Franck-Emmanuel Roux. Celui-ci réveille ses patients lors d’ablation de tumeurs cérébrales bénignes afin d’éviter de toucher les zones du langage. Au cours de l’intervention, le chirurgien inactive des zones très précises du cortex à l‘aide d’une électrode pour vérifier leur implication dans le langage.

Après accord des patients, les chercheurs ont utilisé cette procédure pour tester non pas seulement l’oral mais aussi l’écrit. Ils ont ainsi pu observer qu’en inhibant une aire bien précise, de quelques millimètres carrés, les patients se trouvaient incapables de tracer une lettre alors qu’ils pouvaient bouger leur main.





En parallèle l’équipe de Toulouse a réalisé des tests sous imagerie fonctionnelle (IRMf) avec 12 droitiers et 12 gauchers. «Les données des deux méthodes concordent», explique Jean-François Démonet. Elles permettent donc de cerner les contours de cette petite région du cortex frontal (cerclée de blanc sur l'image), cruciale pour la transformation de l’information orthographique abstraite en information graphique concrète.(2)

Image J-F Démonet/ Inserm


Chez les personnes qui écrivent de la main droite, cette aire est située dans l’hémisphère gauche, comme la zone du langage et celle qui contrôle les mouvements de la main qui écrit (l’hémisphère droit contrôle la partie gauche du corps et inversement).

Chez les gauchers, pour lesquels ces deux zones ne sont pas forcément du même côté, l’aire ‘graphique’ se balade, précise le Pr Démonet.

Ces travaux fournissent aux chercheurs du laboratoire de Toulouse, spécialistes de la dyslexie du développement (celle qui affecte les écoliers), un nouveau terrain d’exploration.
Les premières données sur des adultes dyslexiques montrent que l’activité de cette aire est plus réduite et que chez eux d’autres zones participent à la transcription de l’information abstraite, explique Jean-François Démonet.
Avec ses collègues il projette aussi d’explorer l’impact de l’utilisation des claviers sur l’activité de notre cerveau, à commencer par les mini-claviers des appareils qui envahissent la vie quotidienne.

Cécile Dumas
Sciences-et-Avenir.com
28/08/09

(1) Unité Inserm 825, Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques, Université Paul Sabatier de Toulouse, CHU de Purpan (Toulouse).
(2) Travaux publiés dans les Annals of Neurology, juillet 2009

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